lundi 9 juin 2008

Recette


Fraises fraicheurs

Coupez vos fraises en quartiers, saupoudrez-les d'un peu de sucre en poudre et ajoutez un filet d'eau claire. Hachez menu un bouquet de menthe fraiche. Dans un saladier mélanger le tout puis mettre au frais 1h environ.

Dégustez ! ...

... et profitez-en pour réfléchir un instant : mais d'où viennent mes fraises ? en quelle saison sommes-nous ? est-ce normal de pouvoir manger des fraises à cette époque ? Hmm....et comment sont-elles cultivée ?

Les réponses à ces questions qui paraissent innocentes, aujourd'hui, très peu de personnes les savent, et ce tout simplement parce que nous ne nous posons plus ces questions. Lorsque nous achetons nos aliments au supermarchés, qui se demande d'où viennent-ils ? Ils sont là, un point c'est tout, la publicité m'a appris à aimer leur belle présentation sous emballage et à lui faire confiance : ''si ce produit est là c'est qu'il est sain et bons pour vous. Sinon vous imaginez-bien nous n'aurions pas le droit de le vendre !''. Voici l'argument sous-jacent qui valide toutes les bonnes-actions des bien-pensants qui nous nourrissent et qui influent discrètement mais de façon puissante sur nos gouvernants (1). Qui se pose encore la question des saisons ? Nos supermarchés n'en ont plus, toute l'année l'offre est la même et nous avons ainsi appris à oublier que les aliments sont produits de la terre et qu'ils doivent suivre un rythme approprié. Il paraitrait que ces mêmes supermarchés n'aient que répondu à une demande du consommateur (en bons petits élèves de la loi de l'offre et la demande : s'il y a demande, il peut y avoir profit, il faut donc qu'il y ait offre), mais alors même que cet argument saugrenu pourrait être facilement remis en cause, je vous proposerai plutôt de le comparer aux conséquences de cette habitude contre-nature d'aller à l'encontre des saisons.

Est-ce normal de pouvoir manger des fraises (ou des tomates par exemple) à toutes les saisons ? et comment sont-elles cultivée ? Voici les questions simples auxquelles nous devons répondre. La réponse à la première est bien évidemment non, puisqu'à l'origine chaque végétal à son rythme de croissance et de maturation et si l'on veut le cultiver il faut donc respecter ce rythme. Mais le progrès technologique nous ayant permis d'accomplir tant d'exploits et de folies, aujourd'hui aller à l'encontre de ce rythme naturel est devenu un jeu d'enfant. ''La quasi-totalité [des fruits que nous consommons en France] poussent [ainsi] dans le sud de l’Andalousie, sur les limites du parc national de Doñana, près du delta du Guadalquivir, l’une des plus fabuleuses réserves d’oiseaux, migrateurs et nicheurs d’Europe. (...) Cette « agriculture » couvre près de 6 000 hectares dont une bonne centaine empiète déjà en toute illégalité (tolérée) sur le parc national. Officiellement, 60 % seulement de ces cultures sont autorisées ; les autres sont des extensions « sauvages » sur lesquelles le pouvoir régional ferme les yeux en dépit des protestations des écologistes. Les fraisiers destinés à cette production, bien qu’il s’agisse d’une plante vivace productive plusieurs années, sont détruits chaque année. Pour donner des fraises hors saison, les plants produits in vitro sont enfournés en plein été dans des frigos qui simulent l’hiver pour avancer leur production. A l’automne, la terre sableuse est nettoyée, stérilisée, la microfaune détruite, avec du bromure de méthyl et de la chloropicrine. Le premier est un poison violent interdit par le protocole de Montréal sur les gaz attaquant la couche d’ozone signée en 1987 (dernier délai en 2005) ; le second, composé de chlore et d’ammoniaque est aussi un poison : il bloque les alvéoles pulmonaires en entraînant de violentes douleurs. (...) Qui s’en soucie ? [personne car] la plupart des producteurs de fraises andalouses emploient une main d’œuvre marocaine ou roumaine, des saisonniers ou des sans-papiers sous-payés et logés dans des conditions précaires, se réchauffant le soir en brûlant les résidus des serres en plastique qui recouvrent les fraisiers au cœur de l’hiver'' (2)

Les conséquences sont donc lourdes. Si l'on voit d'abord aisément le non-sens écologique que cet article met en valeur, on en ressort aussi l'intolérable situation de ces travailleurs exploités et maltraités (dont les roumains font depuis peu parti de l'Union Européenne (3)), ou encore le manque à gagner pour les agriculteurs locaux concurrencés par cette agriculture industrielle sans scrupules. Et si nous parlons des fraises en Espagne, nous pourrions tout aussi bien parler des pommes en France (cultivées en serre chauffée au gaz tout au long de l'année, même en été !) ; et même généraliser à l'ensemble de notre alimentation (4). Un aliment ''bon'', est un aliment ''beau'' c'est-à-dire sans irrégularités, voici ce que nous nous sommes inscrit dans la tête...ou peut-être ce que certains ont introduit bien consciencieusement dans nos idées, valeurs et habitudes, à coup de marketing, de communication, de lobbying, de publicité, bref de tous les moyens ''bons''' et ''beaux'' que permettent l'économie de marché et en particulier son développement ultra-libéraliste. Mais le gout, l'intérêt nutritif, la logique de saison, tout a disparu : ''parce que le consommateur le demandait''. Et oui, tout est de notre faute, les industriels n'ont fait que répondre à notre demande, il parait. Mais aux vues de ces nombreux impactes négatif, le jeu en valait-il la chandelle ? Et peut-être que dans ce cas, si notre demande est une force d'influence si puissante que ça, nous pourrions changer la donne, non?

''Mais qu'est-ce que je peux y faire ?'' certains diront.
''Non mais c'est vrai, ça voudrait dire ne plus pouvoir acheter ses tomates au supermaché mais devoir aller au marché des producteurs locaux le dimanche matin alors que je fais la grasse-matinée ! Ça voudrait dire ne plus manger de tomates toute l'année, mais seulement durant la saison !! Ça voudrait dire payer beaucoup, beaucoup, beaucoup plus chère mon kilo de tomates ou de fraises !!! (4 euros au lieu de 2 euros, c'est-à-dire le vrai prix du travail laborieux d'un agriculteur consciencieux, et alors que le panier alimentaire ne représente plus que 14% du budget des ménages dans les pays développés contre 60% en Afrique susaharienne ou encore 41% en Roumanie) Non mais ce serait de la folie ! N'importe quoi l'autre !! c'est horrible de me demander ça !!!''

Ben voilà, vous avez la recette : commencer par ne plus acheter de fraises en hiver, puis de ne plus acheter n'importe quelle tomate (seulement bio, local et en saison), et généraliser petit à petit ce principe à tous vos achats, à votre vie quotidienne, à vos choix de tous les jours (ce qui est valable pour l'alimentation l'est aussi, dans un autre genre, pour tout autre objet de consommation). C'est aussi simple que ça !

Et puis en attendant, ne vous gênez-pas, la saison des fraises vient de commencer ! (5)

(1) Lire l'article de Marie Benilde ''Quand les lobbies (dé)font les lois'' http://www.monde-diplomatique.fr/2007/03/BENILDE/14557
(2) Cité de l'article de Claude-marie Vadrot, sur politis.fr : http://www.politis.fr/Fraises-espagnoles-un-bilan,3538.html . Voir aussi sur le meme sujet le documentaire ''We feed the world'' de Erwin Wagenhofer http://www.we-feed-the-world.fr/site.htm
(3) Cf article ''Roumanie : part 2'' sur http://www.roulib.blogspot.com/ sur la situation économique en Roumanie
(4) Lire l'article ''Comment le marché mondial des céréales s’est emballé'' par Dominique Baillard dans le Monde Diplomatique du mois de Mai 2008
(5) Pour connaitre les fruits et légumes de saison : http://fr.ekopedia.org/Fruits_et_légumes_de_saison

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Recette en apparence juste mais...

On peut consommer local (à coté d'une serre de tomates), acheter bio (l'agriculture bio n'interdit pas la production sous serre...un paradoxe!) et acheter en saison (les "petro-tomates" produites en été sont aussi produites sous des serres qui consomment du gaz non pour produire de la chaleur mais du CO2 facteur de croissance.
Donc il faudrait rajouter à la recette : n'achetez pas les produits des serres chauffées. Sauf que ca n'est pas marqué sur le produit...